Gérard Berliner et son alter Hugo
Gérard et Victor (Gétort et Victard?)
Jacques Seebacher (qui a édité, entre autres, les Œuvres du poète dans la collection Bouquins et Notre Dame de Paris. en Pléiade) vient de mourir à 78 ans. Cet éminent professeur d'université savait TOUT de Victor Hugo.
A-t-il eu l'occasion de voir le spectacle au Théâtre du Gymnase Marie Bell de Gérard Berliner, justement intitulé Mon alter Hugo ?
Qu'importe ! La salle médusée est en délire devant cette conférence musicale qui dure bien moins, hélas, que La Légende des siècles...
Faut-il regretter que tout le monde n'ait pas la discrétion de Jacques Seebacher ? Gérard Berliner, lui, est un homme de spectacle et Hugo n'aurait sans doute pas renié son audace. Espérons seulement que les spectateurs, une fois rentrés chez eux, gardent leur enthousiasme pour faire un voyage dans l'œuvre réelle du poète.
Monique Coudert
Et depuis, moi le père et vous la femme forte,
Nous n'avons pas été, Dieu le sait, un seul jour
Sans parfumer son nom de prière et d'amour.
Nous avons pris la sombre et charmante habitude
De voir son ombre vivre en notre solitude,
De la sentir passer et de l'entendre errer,
Et nous sommes restés à genoux à pleurer.
Nous avons persisté dans cette douleur douce,
Et nous vivons penchés sur ce cher nid de mousse
Emporté dans l'orage avec les deux oiseaux.
Mère, nous n'avons pas plié, quoique roseaux,
Ni perdu la bonté vis-à-vis l'un de l'autre,
Ni demandé la fin de mon deuil et du vôtre
A cette lâcheté qu'on appelle l'oubli.
Oui, depuis ce jour triste où pour nous ont pâli
Les cieux, les champs, les fleurs, l'étoile, l'aube pure,
Et toutes les splendeurs de la sombre nature,
Avec les trois enfants qui nous restent, trésor
De courage et d'amour que Dieu nous laisse encor,
Nous avons essuyé des fortunes diverses,
Ce qu'on nomme malheur, adversité, traverses,
Sans trembler, sans fléchir, sans haïr les écueils,
Donnant aux deuils du coeur, à l'absence, aux cercueils,
Aux souffrances dont saigne ou l'âme ou la famille,
Aux êtres chers enfuis ou morts, à notre fille,
Aux vieux parents repris par un monde meilleur,
Nos pleurs, et le sourire à toute autre douleur.
Marine-Terrace, août 1855