Gérard Berliner et son alter Hugo

Publié le par magali duru

Monique Coudert est allée au théâtre... Voici son ressenti devant le spectacle de Berliner, Mon alter Hugo.

Gérard et Victor (Gétort et Victard?)

 

Jacques Seebacher (qui a édité, entre autres, les Œuvres du poète dans la collection Bouquins et Notre Dame de Paris. en Pléiade) vient de mourir à 78 ans. Cet éminent professeur d'université savait TOUT de Victor Hugo.

A-t-il eu l'occasion de voir le spectacle au Théâtre du Gymnase Marie Bell de Gérard Berliner, justement intitulé Mon alter Hugo ?


De notre grand poète national, Gérard Berliner prend la vie, l'œuvre, les amours, les idées politiques. Il les mêle, les actualise, les anime, les interprète, les chante (d'ailleurs très bien). Ses mots se mêlent à ceux de Hugo (seul le grand érudit aurait su distinguer les auteurs) dans un spectacle qui emporte tout en sachant se faire pédagogique...Berliner virevolte sur scène, l'œil brillant, jouant de sa ressemblance physique avec le grand homme, il entraîne le spectateur, baba comme à la première d'Hernani, avec la gouaille et le dynamisme d'un bonimenteur. Cette passion frôle pourtant la limite (induite d'ailleurs dans le titre du spectacle) : au fond, qui est l'alter ego de l'autre ? Qui laisse passer l'autre au premier rang ?

Qu'importe ! La salle médusée est en délire devant cette conférence musicale qui dure bien moins, hélas, que La Légende des siècles...

Faut-il regretter que tout le monde n'ait pas la discrétion de Jacques Seebacher ? Gérard Berliner, lui, est un homme de spectacle et Hugo n'aurait sans doute pas renié son audace. Espérons seulement que les spectateurs, une fois rentrés chez eux, gardent leur enthousiasme pour faire un voyage dans l'œuvre réelle du poète.

 

Monique Coudert


Dolorosae, in Les Contemplations

Mère, voilà douze ans que notre fille est morte;
Et depuis, moi le père et vous la femme forte,
Nous n'avons pas été, Dieu le sait, un seul jour
Sans parfumer son nom de prière et d'amour.
Nous avons pris la sombre et charmante habitude
De voir son ombre vivre en notre solitude,
De la sentir passer et de l'entendre errer,
Et nous sommes restés à genoux à pleurer.
Nous avons persisté dans cette douleur douce,
Et nous vivons penchés sur ce cher nid de mousse
Emporté dans l'orage avec les deux oiseaux.
Mère, nous n'avons pas plié, quoique roseaux,
Ni perdu la bonté vis-à-vis l'un de l'autre,
Ni demandé la fin de mon deuil et du vôtre
A cette lâcheté qu'on appelle l'oubli.
Oui, depuis ce jour triste où pour nous ont pâli
Les cieux, les champs, les fleurs, l'étoile, l'aube pure,
Et toutes les splendeurs de la sombre nature,
Avec les trois enfants qui nous restent, trésor
De courage et d'amour que Dieu nous laisse encor,
Nous avons essuyé des fortunes diverses,
Ce qu'on nomme malheur, adversité, traverses,
Sans trembler, sans fléchir, sans haïr les écueils,
Donnant aux deuils du coeur, à l'absence, aux cercueils,
Aux souffrances dont saigne ou l'âme ou la famille,
Aux êtres chers enfuis ou morts, à notre fille,
Aux vieux parents repris par un monde meilleur,
Nos pleurs, et le sourire à toute autre douleur.



Marine-Terrace, août 1855

Publié dans Evènements

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
E
"Mon alter Hugo" : la formule n'est pas sans rappeler la devise de Victor Hugo "Ego Hugo" qui ne manquait guère d'ambition. <br /> J'aime relire ce que Baudelaire a écrit à propos de ce géant littéraire... "Quand on se figure ce qu'était la poésie française avant que Victor Hugo apparût et quel rajeunissement elle a subi depuis qu'il est venu, combien de sentiments mystérieux et profonds qui ont été exprimés, seraient restés muets; combien d'intelligences il a accouchées, combien d'hommes qui ont rayonné par lui seraient restés obscurs; il est impossible de ne pas le considérer comme un de ces esprits rares et providentiels, qui opèrent, dans l'ordre littéraire, le salut de tous..." <br />  
Répondre
M
<br /> Magnifique citation, Ernest, merci de la partager avec nous. Hugo est un géant en effet, qu'on oublie un peu trop de nos jours.<br /> <br /> <br />
L
Un article vivifiant qui donne envie de courir et de s'installer dans cette relecture chantée et si profondément comprise du grand poète. Merci Chère Monique pour votre article et le beau poème si moderne que vous citez.
Répondre