Pâques au Salon: les oeufs de Monique Coudert.
Chassée du salon par l’alerte à la bombe, dimanche dernier, Monique, venue acheter des livres pour enfants destinés à remplacer les chocolats de Pâques, n’en fait pas une maladie…
Tant pis ! La tradition chocolatière reprendrait ses droits. Si j’étais si facile à consoler c’est que j’avais dans mon sac trois livres miraculeux, tellement lumineux qu’ils irradiaient dans le bus du retour d’un rayon phosphorescent qui passait à travers le sac plastique :
- Dire la faune, un livre canadien de haïku écrit sous la direction de Francine Chicoine aux éditions David. Le haïku est hype, là-bas, sur la côte nord : stages, camps d’écritures, spectacles, un haïku publié chaque matin dans le quotidien de la province ! Comme si l’immensité du territoire ne se pouvait se dire mieux qu’en trois vers courts !
Francine Chicoine va même diriger l’an prochain un stage d’écriture dans une réserve indienne. Il paraît qu’il existe des ressemblances entre la forme concrète de la parole indienne et cette forme poétique venue du Japon.
- L’Adieu aux lisières , éditions Gallimard, le dernier livre de poésie de Guy Goffette, acheté au stand de la librairie Wallonie-Bruxelles. . J’adore ce porteur de la parole du Nord qui sait toujours me toucher, que ce soit en prose (Une enfance lingère, Un été autour du cou, parus en folio), en poésie (Eloge pour une cuisine de province, Poésie/Gallimard) ou par ses merveilleux livres d’artistes.
Je suis tellement aux anges de le voir en chair et en os que je lui dis spontanément : «Ah, que je suis heureuse de vous voir là ! »
« Mais moi aussi » me répond-il, en me faisant un gros bécot .
Comment ne pas aimer les poètes dans ces conditions ? …
- Ma dernière trouvaille est Caïques, éditions Triptyque, du poète haïtien Joël des Rosiers.
Quand je m’approche du stand, que je prends le livre en main, je sais que son nom me dit quelque chose, je sais que je ne connais que lui et pourtant, …tour méchant de ma mémoire, quel est ce souvenir qui me fuit... Je lui demande une dédicace à mon nom et aussitôt il rougit (si on peut dire) et me dit :
"C'est vous ! »
Je le regarde ébahie.
« Oui, explique-t-il, quand j’ai lu votre billet sur le blog Mot compte double, j'étais si enthousiasmé qu'un lecteur puisse encore se souvenir de mon premier recueil publié il y a 20 ans et même trouver une correspondance entre mon livre et ce qu'un autre poète écrit aujourd'hui que j’ai retenu votre nom !."
Je rougis à mon tour. J’avais totalement oublié le billet écrit pour le blog de Françoise Guérin où j’avais osé, sans les connaître, faire un mariage littéraire entre son livre Métropolis Opéra et l’œuvre poétique de la canadienne Hélène Dorion.
Un peu plus tard, toujours sur mon petit nuage, j’étale mes trésors sur la banquette de mon train de banlieue. Un « jeune des cités », (comme il est d’usage de dire), qui cherche une place de libre, me demande de lui libérer le siège et me remercie avec un « vous êtes bien-Z-aimable ».
Je lui fais remarquer que c’est lui qui est très aimable de rajouter un « S » à bien, que je n’en demande pas tant… et nous voilà devisant d’absence d’accord de l’adverbe, de proverbes et finalement…nous nous entretenons de poésie puisque je n’ai pas résisté à lui montrer le contenu de mon sac.
Un extrait de Un visage appuyé contre le monde, Le Noroît/Le Dé Bleu, 1990 d'Hélène Dorion
Neige légère et lente d'une nuit venue s'allonger entre le monde et moi. C'est toujours un même enfant qui revient à travers nous, toujours un même désir qui murmure - mon amour, et se laisse approcher par le désastre.
Hélène Dorion