Georges Flipo La commissaire n'aime point les vers

Ce petit roman à couverture jaune (avec une botte et un flingue noir) est en passe de devenir le it-polar du printemps, à en croire les lectrices des it-blogs (liste non exhaustive sur le blog de l’auteur) qui semblent l’avoir déjà toutes dans leur it-bag.
Ceux qui se sont régalés avec les nouvelles (La Diablada, Qui comme Ulysse) de Georges Flipo ou son précédent roman (Le film va faire un malheur) n’en douteront pas : c’est qu’il le mérite. En tout cas il se lit avec la même délectation jubilatoire, coupable et régressive qui anime la commissaire Viviane Lancier lorsqu’elle s’octroie une barre chocolatée après trois jours de kiwi-yaourt à 0%.
Que les amateurs d’horreurs pédophiles, serial killers à la tronçonneuse et troupes d’assaut encagoulées deadly serious passent leur chemin. On trouvera ici plutôt un hommage à un Simenon qui aurait lu Bridget Jones et pris des cours d’humour avec Jeeves qu’une Haban Cobennerie de plus.
Ce que traque Georges Flipo est la cruauté ordinaire : celle du kilo et de l’année en trop. De l’ex qui barre votre vie professionnelle, comme ça, par plaisir. De la dirdecom qui vous piétine, du boss qui vous désavoue, des collègues qui vous laissent tomber, de Mom qui veut vous voir mariée, du petit lieutenant ignare mais qui vous double vite fait, sous prétexte qu’il est beau gosse (et Dieu sait qu’il l’est, le cher ange !). La cruauté de la vie-comme-elle-est, quoi, celle qui vous tue à petit feu, à coups d’épingles. Etonnez-vous que Viviane se rue sur les barres de Twix, et le vendredi soir sur.. Mais je vous laisse découvrir Fabien.
Ceci étant, il y a une vraie intrigue, pleine de vrais meurtres, de rebondissements, de graphologues, de femmes de chambre camerounaises armées de couteaux, de médiums copines de Victor Hugo, de vendeurs de blocs à lécher pour vaches, bref de suspects pas piqués des vers. Côté vers, justement, l’auteur s’est fendu d’un extraordinaire faux-vrai sonnet de Baudelaire plus fleursdumalien que nature, point de départ de l’affaire. Assez crédible pour convaincre l’Académie et les experts, assez hot pour mettre le feu au 20 h, cet inédit dont l’original pourrait faire monter les enchères de Drouot à des sommets est-il la raison suffisante de tant d’assassinats ?
Comme le tempo est parfait, l’intrigue impeccable, le ton sarcastique à souhait et que Viviane, finalement, a de la trempe, de la gnaque et du bon sens, on se laisse faire les yeux fermés. Quitte à se faire secouer aussi un peu, la commissaire sait être cruelle, à l'occasion. Quand on a lu, on relit. C’est qu’on n’a pas tellement l’occasion de rire aux larmes, ces temps-ci.
A offrir donc, sans modération.
A s’offrir surtout, et à se planquer dans le tiroir du bureau pour le prochain coup de barre.
Parce que, réfléchissez : pour 18 euros, vous auriez combien de Twix, finalement ? Une petite dizaine ? Pour 493 calories aux 100 grammes la minute de plaisir ?
Allez, c’est vite réfléchi.
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Une interview de l'auteur par Emmanuelle Urien sur le site Bibliosrf.com